Le projet METAVILLA initié par Caroline Corbal vise à interroger les rapports de distanciation induits par les techniques contemporaines. Considérant la fragmentation des réalités vécues au regard des notions de connexion et de simultanéité, il s’agit de proposer à des artistes travaillant sur les images et se questionnant sur leurs régimes de diffusion, d’investir la vitrine d’un lieu situé à Bordeaux. Celle-ci, en servant d’écran de projection et donnant directement sur la rue, permet d’amalgamer des réalités contraires : l’espace privé et l’espace public, l’ailleurs et l’ici, le proche et le lointain, le local et le global.
Le projet METAVILLA est ainsi appuyé par la volonté d’intervenir dans l’espace urbain en créant un lien dynamique avec le monde, ne serait-ce qu’en stimulant l’élargissement des champs de perception et des possibilités du réel1. A partir de propositions formulées par Julien Verhaeghe, METAVILLA se présente également en tant que projet curatorial in progress, car les artistes invités se succèdent plutôt que de confronter leurs recherches de façon simultanée. Les œuvres héritent donc les unes des autres, participant à un dispositif en devenir plus à même de rendre compte des évolutions et des aléas de notre contemporanéité.
Pour cette seconde édition, faisant suite à Mounir Fatmi, c’est Aymeric Vergnon-d’Alançon qui propose avec Le Dernier voyage d’Alexis Kozlomov une vidéo découpée en sept séquences. Le récit d’un explorateur disparu en constitue la trame : parti pour la péninsule du Kamtchatka sur les traces de Paul Thévenot, cartographe de la fin du XIXe siècle, Alexis Kozlomov est dévoré par les descriptions de son prédécesseur. C’est avide d’images et d’ailleurs qu’il part, un matin d’avril 1932, sans jamais revenir.
Cette disparition, mystérieuse et incomprise, alimente à son tour un imaginaire propre aux contrées lointaines dont il ne reste que des récits imagés. Aymeric Vergnon- d’Alançon s’en empare, actualisant la figure de l’explorateur dans ses vidéos pour lesquelles il se met en scène. Des étendues forestières et escarpées doivent être franchies, les itinéraires se font âpres. L’artiste semble parfois égaré au milieu de nulle part, la carte en devient une obsession, tout comme l’observation assidue de ce qui l’environne. La nécessité de se confronter au réel à l’échelle de ses yeux, de ses mains et de son corps, à travers la thématique du déplacement notamment, vient contraster avec les représentations distanciées de l’ailleurs, là où le réel n’est que fiction.