Excroissance, Léo Pacquelet

Du 14 au 30 novembre 2016

En un lieu sombre et indéfini que l’on associe à une plage de nuit, deux personnages gisent autour d’un feu. L’un deux se contorsionne, irrité par des ondes parcourant une zone située dans le dos, entre les omoplates. Des forces enfouies sous la peau dessinent des stries mystérieuses, pétrissant la chair, comme pour en extraire des formes inattendues. La demi-obscurité s’accommode d’une sorte de lancinance, un temps relâché et propice au repos qui enfouit les personnages quelque part entre l’attente et le désœuvrement. Lorsque le départ s’annonce, le personnage, infirme, se redresse péniblement. Il est temps de partir.
Avec le court-métrage Excroissance de Léo Pacquellet, le projet METAVILLA poursuit ses investigations concernant les rapports de distanciation et la notion de simultanéité. Plus particulièrement, il s’enclenche avec ce travail une articulation assez singulière entre les notions de l’ici et de l’ailleurs. L’ici renvoie par exemple à ce qui nous environne dans un espace immédiat, désignant une sorte de bulle intime qui conditionne notre rapport au monde et sous-entend une forme de confort ; il suppose donc une zone émotionnelle irriguée par nos habitudes et nos repères, là où Edward T. Hall a pu parler de proxémie, soulignant l’importance de notre culture d’origine dans la mise en place d’une « bonne » distance vis-à-vis de notre environnement. L’ailleurs, en revanche, simule une forme de méconnaissance. Il figure les horizons lointains qui stimulent les imaginaires et nourrit les désirs d’évasion.
La grande force du court-métrage de Léo Pacquellet est de restituer le caractère organique de ce qui lie cet ici à l’ailleurs. En premier lieu, les vastes littoraux frissonnent au gré du vent et des marées ; les paysages, vastes et lointains, habités par une faune pittoresque qui s’agite, semblent magnifier le règne du vivant à travers les éléments naturels qui le composent. Alors, en second lieu, quelque part, quelque chose incite à poursuivre ces horizons, à fendre les airs comme un oiseau, ou à se laisser happer par les flots tel un poisson. Ainsi, si le voyage a pour guide une inexplicable envie de tendre vers cet ailleurs, il est aussi bien porté par la volonté d’expulser son propre être, adoptant une résonnance avec les métamorphoses ovidiennes, au regard en particulier du mythe d’Icare.
Avec Excroissance, le voyage est dépassement tout en s’inscrivant dans une forme d’ambivalence, car il est question de s’affranchir des entraves tracées par les reliefs comme de triompher de son propre corps. Entre évasion et devenir, émancipation et accomplissement peut-être, il met en évidence les forces d’individuation situées aux frontières du corps, de l’être, pour qu’en se portant ici comme ailleurs, l’on devienne soi-même comme un autre.