Courtesy of the artist & GALLERIA CONTINUA San Gimignano / Beijing / Les Moulins / Habana
Dans son questionnement autour des notions d’espace, d’intériorité et d’extériorité, le projet Métavilla se poursuit avec la présentation de la vidéo de Charlie Malgat, Monocellular Spleen. Conformément à ses préoccupations, il s’agit de sonder les possibles devenirs que laissent entrevoir les nouvelles technologies, ici, en portant l’accent sur leur relation avec le règne du vivant.
La vue circulaire d’où défilent les images, comme une ronde émergeant de l’obscurité, suppose, dans un premier temps, des visions de planètes dont on admire les stries de bandes nuageuses. Il est pourtant question de volutes organiques et d’amas de chair abstraits, frémissants – de la viande, plus précisément – dont la perception, réduite et sans profondeur, n’est pas sans rappeler les méthodes d’exploration endoscopique. En pénétrant dans des lieux inaccessibles pour l’œil au moyen d’un tube optique, celles-ci suggèrent la porosité des frontières qui dissocient l’intériorité de l’extériorité, tout en appuyant la souveraineté de la perception dans le projet de connaître et de comprendre le monde. Ce passage d’une réalité étendue, cosmique peut-être, à une dimension confinée, intime et close sur elle-même, faisant des univers science-fictionnels des terreaux de réflexion propices à des sollicitudes plus quotidiennes, sinon triviales, induit moins une volonté d’associer des ordres contraires que le caractère de ce qui relève de la fable ou de la satire. Car, en effet, il y a une évidente dérision chez Charlie Malgat, comme s’il s’agissait de se délester d’une attention trop marquée par une forme de gravité, en particulier lorsque l’on s’interroge sur la conscience non-humaine, sur les interactions entre l’homme et son environnement, ou sur les promesses techniques qu’offre la biotechnologie. Dans le cas présent, c’est bien d’un steak qu’il convient de comprendre les états d’âme ; d’un steak, qui plus est, doué de conscience et de parole. Pareillement, les vicissitudes existentielles imposées par sa condition d’être de chair montrent à quel point les mots sont importants. Ils reflètent un égarement, un spleen au devant d’un avenir joué d’avance, mais aussi l’avènement d’une intelligence artificielle qui ne serait plus le fait de réalités robotiques, mais de physiologies abstraites. De même, dès lors que le règne du vivant polarise également les cycles nutritifs où tout organisme est appelé à se nourrir, mais aussi, un tant soit peu, à en nourrir un autre, une autre idée de l’animalisme peut germer : elle signale la chair, l’animal, peut-être aussi une entité venue de par les étoiles, en tous les cas, un ordre non-humain et cosmomorphe. Paradoxalement, tous participent d’un dispositif narratif – celui de la fable et du récit fantastique – qui, par essence, s’arroge le droit d’ausculter les réalités humaines, ainsi que de possibles préoccupations à venir.